Christophe : Dernier vol de nuit

par Brigitte VENET

En 1965, deux tubes se disputent la 1ère place des hits. Il y a Hervé Vilard, le brun, qui chante "Capri c'est fini" et CHRISTOPHE, le blond, qui chante "Aline". Deux histoires d'amour malheureuses qui séduisent le public, qui deviennent les slows de l'été. Car impossible de les départager. Allez voir sur youtube comment les deux artistes s'amusent à s'échanger leurs chansons...


Si Hervé Vilard continue d'enregistrer des tubes, à la manière italienne, Christophe devient peu à peu le Beau Bizarre.

Si son premier succès fait l'effet d'une bluette, il explique : "à l'époque, il fallait arranger les chansons pour qu'elles passent en radio" et aussi "c'est une période où j'ai appris tout ce que je ne voulais pas". Il porte l'estocade en déclarant "je ne suis pas un chanteur".
Quand il se retrouve devant un des premiers synthétiseurs commercialisés en France : "je pouvais enfin concrétiser ce que j'avais dans la tête". Pas des mots, des sons, des mélodies... Les mots, c'est Jean Michel Jarre qui lui donnera les plus beaux "Les mots bleus", "les Paradis perdus".
On le compare à James Dean. Il aurait pu mourir de la même façon. Sa passion pur les belles voitures l'amène à collectionner les plus beaux modèles et même à se retrouver sur le circuit de Magny-Cours.
Autre passion dévorante : le poker, où il perdra beaucoup d'argent.
Mais la musique le rattrape toujours. Le piano d'abord : "je me suis lancé sans savoir en jouer... c'est ça la musique, savoir utiliser ses faiblesses pour les transformer en quelque chose de beau, de magique".
Beau comme "Bevilacqua" en 1996, "Comm'si la terre penchait" en 2001, "Les vestiges du chaos" en 2016.
"Tu vois, en ce moment, j'adore notre époque. J'ai enfin accès aux machines dont je rêvais quand j'avais 50 ans. Si seulement j'avais vingt ans de moins".
Christophe vivait la nuit, il aimait ce moment où tout s'endort et que lui commençait à créer, attentif au moindre son, même celui de sa propre voix, de sa respiration, de ses soupirs... Il aimait le cinéma ? mais parfois sa musique ressemble à des rushs, quand il sample la voix d'Isabella Rossellini. Et l'on n'est pas étonné de le voir encapuchonné dans le "Jeanne" de Bruno Dumont, dont il a fait la musique.
"Tu sais, je n'ai qu'un rêve, c'est de rester dans le temps. De rester définitivement présent".
Né Daniel Bevilacqua le 13 octobre 1945, Christophe est mort le 16 avril 2020.
A nous de jouer pour réaliser son rêve...