Idir : Berger de paroles

par Brigitte VENET

Il avait dit que son album "Ici et ailleurs" (2017) serait son dernier. C'était un album pour le plaisir, un album partagé avec des artistes de la scène française, Cabrel, Lavilliers, Lenormand, Tryo..., et Aznavour qui ne connaissait pas du tout ce chanteur venu d'Algérie et qui a accepté de faire ce duo avec lui sur "La bohème", une belle consécration pour ce petit homme doux et discret : IDIR.

Né Hamid Cheriet le 25 octobre 1949 dans un village perché sur les monts du Djurdjura, il se destinait à une carrière dans l'industrie pétrolière (!!!) quand la musique et la poésie l'ont rattrappé. La poésie, elle était déjà là depuis l'enfance auprès de sa mère et de sa grand mère qui avaient l'art des mots. "J'ai baigné dans l'atmosphère magique des veillées, confie Idir, où l'on racontait des contes et des énigmes. Chez nous, la valeur du mot est immense."

C'est la chanson "A vava inouva" (Mon Papa à moi) qui le fait connaître en France. Une chanson en kabyle autour des feux de camps ? Pourquoi pas ? A l'heure où le renouveau de la culture celtique s'étend de Bretagne jusqu'à Paris, grâce à Alan Stivell, Idir séduit. Monté à Paris, il est signé par Pathé Marconi et, dans la foulée, entame une série de concerts.

Parmi ses albums les plus remarquables figure "Les chasseurs de lumière", en 1993, où l'on retrouve la harpe d'Alan Stivell. Idir célébre l'amour, la liberté et l'exil (que le chanteur connaît puisqu'il vit en région parisienne depuis 1975). Il rend hommage également au peuple touarègue.

Il y a aussi "Identités" qui réunit des artistes qui prônent l'ouverture culturelle comme Manu Chao, Dan Ar Braz, Zebda, Geoffrey Oryema... Il fait de la "maison bleue" de Maxime Leforestier une "maison berbère" en souvenir du chanteur Matoub Lounes assassiné en 1998. Il faut saluer l'effort de Maxime qui chante ici en kabyle.

En 2002, Jean Jacques Goldman lui écrit "Pourquoi cette pluie ?" en évocation du terrible déluge de novembre 2001 qui s'est abattu sur la ville d'Alger. Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade lui écrit "Lettre à ma fille" dédiée à Tanina, la fille d'Idir.

En 2007 paraît "La France des couleurs", où Idir invite la jeune génération, comme Akhenaton, Corneille, Sniper, Amine....

En 2009 sort "Entre ciel et terre" un coffret CD live et double DVD pour les 30 ans de carrière d'Idir.

Le 2 mai 2020, Idir décède à Paris, des suites d'une fibrose pulmonaire.

Il est venu à deux reprises à Nancy pour fêter le Printemps berbère avec la communauté berbère de Lorraine. Sur la scène de la salle Poirel, autour de la guitare folk d'Idir, on vit apparaître le bendir, la darbouka et la flûte du berger kabyle. Il s'agit d'ailleurs du premier instrument dont le chanteur a appris à jouer dès son plus jeune âge : "au village, les enfants que nous étions se transformaient en bergers dès la sortie de l'école. Et tailler une flûte dans un roseau allait de soi. Quand une mélodie me vient, je la teste d'abord à la flûte."

Idir chantait pour la paix, la liberté et la tolérance. Il a toujours été un Berger.